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évaluation d’une improvisation

Un article sur les critères d'évaluation d'une improvisation musicale
jacques siron © 2003  mise en forme groupe Improfegm mise en idées

IMPROFEGM

Improfegm était le Groupe de Travail Inter-Ecoles "Improvisation" de la Fédération des Ecoles Genevoises de Musique (regroupant Conservatoire populaire de musique - Conservatoire de musique de Genève - Institut Jaques-Dalcroze). Mandaté par la Conférence des directeurs de la Fédération, Improfegm avait pour objectif de favoriser l'improvisation et son intégration dans l'enseignement afin de lui rendre la place qui lui a été longtemps dévolue dans l'enseignement de la musique. Le groupe a notamment produit deux documents sur l'improvisation.

Le propos

Comment évaluer une improvisation ? Quelques réflexions qui distinguent les circonstances d'évaluation, les genres d'improvisations, l'indispensable équilibre entre des critères précis et une appréciation globale.

L'article

Ce texte propose quelques réflexions ouvertes, qui ne prétendent pas épuiser le sujet. Ces réflexions pourraient notamment :
  • Aider à improviser en prenant mieux conscience d’éléments qui peuvent être mis en jeu dans une improvisation.
  • Aider à enseigner, à créer de nouvelles situations d’improvisation.
  • Aider à organiser la discussion d’un jury (lors d'une audition, d'un examen, d'un concours...).

De nombreux éléments mentionnés ci-dessous s’appliquent non seulement à l'évaluation de l'improvisation, mais également à l'évaluation d’une composition, de l’interprétation d’un répertoire écrit, d’une improvisation non musicale, etc.

1. Pourquoi évaluer ?

Dès qu’il y a activité artistique, dès qu’il y a enseignement, il y a évaluation, appréciation, estimation, remarques, extériorisation d’impressions. L’évaluation sert à renforcer la progression.

2. Qui évalue ?

a. Auto-évaluation
  • De sa propre action / de l’action du groupe.
  • Après l’action / après l’écoute d’un enregistrement.

b. Évaluation par le professeur habituel
  • Dans le courant des cours, intégré dans le processus pédagogique.
  • Après une audition, un examen ou une autre situation en public.

c. Évaluation par un expert extérieur
  • Par quelqu'un qui est familier avec l’improvisation / qui ne connait rien à l’improvisation.
  • Par quelqu'un qui connait les circonstances (consignes données au préalable, histoire du groupe et de ses participants) / qui ne connait rien.
  • Par un expert de l'instrument ou de la discipline / par un expert d’un autre instrument, d'une autre discipline, d’un autre domaine artistique.

3. Qui est évalué ? dans quelles circonstances ?

a. Configuration (individu / groupe)
  • Improvisation à un seul musicien (pas d’interaction avec d’autres).
  • Improvisation à plusieurs, en groupe (en duo / en trio / à 4 /...). Elle peut se faire avec d’autre(s) élève(s) / avec le professeur / en interaction avec un autre domaine artistique (théâtre, peinture, danse, cinéma...).

b. Expérience des improvisateurs
  • Expérience préalable des improvisateurs: dans l’improvisation / dans la musique / sur l’instrument utilisé.
  • Âge, motivations, projet à long terme avec l’improvisation / avec la musique (“ amateur ” / “ professionnel ” / “ enseignant ”).
  • Parcours / progrès accomplis dernièrement / à long terme.

c. Expérience du groupe
  • Partenaires qui ont déjà improvisé ensemble, qui ont un passé commun / rencontre improvisée, partenaires qui ne se connaissaient pas au préalable.
  • Projet à long terme du groupe.

d. Les circonstances de l’évaluation
  • Sans public, lors de leçons ou d'ateliers.
  • Improvisation destinée à un public : audition / performance / concours / concert / fête / autre circonstance.
  • Écoute d’une improvisation enregistrée.

4. Quel genre d’improvisation ?

L’improvisation est une manière de faire de la musique qui recouvre de nombreuses pratiques. Des éléments fixés, déterminés avant le jeu, se mêlent à des éléments imprévus, inventés sur le moment. Suivant la proportion de fixé et d’imprévu, suivant le degré de préparation d’une improvisation, existe une palette de situations; p. ex.:
  • Improvisation utilisée comme moyen d’invention aboutissant à une composition (entièrement fixée).
  • Improvisation à propos d’un élément fixé (paraphrase, microvariation, ornementation, etc.).
  • Improvisation répétée, dans laquelle il s’agit de rejouer les gestes d’une improvisation antérieure.
  • Improvisation servant un autre but qu’elle-même : maîtrise d’une difficulté technique, exercice ; abord d’un répertoire ; etc.
  • Improvisation avec consigne préalable donnée par un ou plusieurs des improvisateurs / par le professeur / par quelqu'un d’extérieur / par un jeu de hasard.

La consigne peut être familière (préparée à l’avance) / nouvelle (donnée sur le moment).
Elle peut porter sur différents paramètres ; p. ex. :
  • Instruction orale / écrite (texte, partition, schéma, graphique, esquisse) / visuelle (objet, lieu).
  • À contenu large / précis.
  • À contenu musical / extra-musical.
  • Scénario, indications de déroulement,
  • Rôles attribués à certains musiciens, présence d’un soliste accompagné par d’autres, inversions de rôles, jeux d’opposition et d’indépendance.
  • Indication de mouvement, de parcours dans l’espace.
  • Improvisation sans consigne explicite, mais en respectant le cadre d’un style musical (baroque, musique contemporaine, jazz, rock, musique traditionnelle, etc.), ou en imitant un improvisateur ou un compositeur (dans le style de... ; improvisation-pastiche).
  • Improvisation sans aucune consigne préalable (improvisation “ libre ”).

5. Sur quoi porte l’évaluation ?

a. Critères précis d’évaluation
  • Respect / non respect de la consigne ou de la règle, qu’elle soit explicite (consigne préalable) ou implicite (p. ex. respect d’un style). Tenir compte du fait que parfois le non respect de règle produit un résultat intéressant. Capacité à déterminer des consignes structurant l'improvisation et/ou la faisant évoluer.
  • Valeur musicale, jugement esthétique (réussi / monotone / convainquant / sans relief / émouvant / etc.).
  • Adéquation de l’idée musicale et des moyens mis en oeuvre ; “ interprétation ” de l’improvisation en rapport avec la technique instrumentale ou vocale, qualité de l’exécution.
  • Développement des idées, maîtrise de la forme, construction du discours, cohérence, continuité de l’action, persévérance, focalisation du sujet.
  • Évaluation du traitement de différents paramètres musicaux : qualités du rythme, de la mélodie, de l’harmonie, des modalités expressives (dynamique, registre, timbre), etc.
  • Interactions au niveau collectif, capacité de réagir ; qualité de l’écoute des autres ; position, rôle pris dans le groupe (solo / accompagnement / sur le même plan que l’autre ou les autres / silence) ; jeu rythmique collectif ; etc.
  • Créativité individuelle / collective ; imagination ; capacité de surprendre, d’innover, de proposer, de prendre des risques, de s’aventurer dans l’imprévu ; sens du jeu, plaisir du jeu, charisme, capacité de communiquer à d’autres, rayonnement, énergie, conviction.

b. Impressions globales et synthèse
Des listes détaillées de critères peuvent être utiles pour analyser certains aspects d’une improvisation et pour sortir d’impressions vagues. Mais en ne faisant que décomposer l’improvisation en un long questionnaire à choix multiples, en calculant des moyennes, voire même en pondérant les critères, on court le risque de passer à côté de l’essentiel. Une vue synthétique est nécessaire, qui doit mettre en relief le geste global d’une improvisation. L’évaluation devrait s’inscrire dans un processus dynamique et stimulant pour les participants (“ pour ceux qui viennent d’improviser, quelle pourrait être leur prochaine improvisation ? ”).